Présenté par le Fonds Janice et Earle O'Born pour l’excellence dans les arts de la scène

Vancouver Symphony Orchestra & Stewart Goodyear

Série Grands Interprètes

2025-03-17 20:00 2025-03-17 22:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Vancouver Symphony Orchestra & Stewart Goodyear

https://nac-cna.ca/fr/event/36082

Événement en personne

Le temps d’une soirée seulement, le CNA a la joie d’accueillir à nouveau Otto Tausk et l’Orchestre symphonique de Vancouver à la Salle Southam. Chaque concert que donne cet orchestre est un événement incontournable à Ottawa! Le pianiste invité Stewart Goodyear interprète le Concerto pour piano no 3 de Rachmaninov, que les virtuoses du piano de ce monde considèrent comme l’un des plus durs...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
lun 17 mars 2025
lun 17 mars 2025

≈ 2 heures · Avec entracte

Répertoire

Jocelyn Morlock

Night, herself

SERGUEÏ Rachmaninov

Concerto pour piano no 3

Dmitri Chostakovitch

Symphonie no 5 en ré mineur, op. 47

I. Moderato
II. Allegretto
III. Largo
​IV. Allegro non troppo

Au début des années 1930, Dmitri Chostakovitch (1906-1975) était l’un des principaux compositeurs de l’Union soviétique, réputé dans son pays comme à l’étranger. En 1934, son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk était créé à Leningrad et recevait un accueil très favorable. Deux ans plus tard, après 180 représentations, la Pravda écrivait que cette œuvre était un « fouillis tenant lieu de musique ». C’est que Staline et ses collaborateurs avaient assisté à une nouvelle production, au Bolchoï, le 26 janvier 1936. Presque immédiatement, Chostakovitch devint un paria. Le 6 février, il subissait un autre affront lorsque son ballet Le ruisseau limpide était qualifié de « faux ballet » par le même journal. Dans ces articles, non signés, le message était clair : modifiez votre manière de faire ou vous en paierez le prix. L’onde de choc se propagea à travers l’establishment culturel soviétique : l’un de ses plus dignes représentants était menacé d’être bâillonné et bientôt, beaucoup d’autres le seraient. Les Grandes Purges de Staline avaient commencé et ceux qui ne rentraient pas dans le rang risquaient d’être arrêtés, détenus dans un rude camp de travail, ou exécutés. 

Après ces attaques de la Pravda, Chostakovitch devait trouver un moyen de survivre artistiquement. Il aurait pu créer une œuvre conforme au discours du Parti communiste et amadouer ainsi Staline et ses fonctionnaires. Au lieu de cela, il chercha à rétablir sa réputation en composant sa Quatrième symphonie, un pari certes difficile. Chostakovitch y travaillait au moment des attaques de la Pravda. Il comptait malgré tout la présenter en décembre 1936. Pendant les répétitions, l’œuvre fut retirée à la dernière minute. Elle ne sera créée qu’en 1961. D’avril à juin 1937, soit au plus fort des Grandes Purges, il se mit à écrire sa Cinquième symphonie, laquelle fut donnée pour la première fois par l’Orchestre philharmonique de Leningrad, le 21 novembre de la même année. 

La réaction du public fut extraordinaire : on a pleuré sans retenue pendant le mouvement lent et, à la fin, l’ovation a duré plus d’une demi-heure. La critique a également réagi positivement. L’œuvre a rapidement intégré le répertoire soviétique et la stature de Chostakovitch fut progressivement restaurée. L’œuvre a aussi connu un succès international. Aujourd’hui, elle reste la plus populaire et la plus jouée des 15 symphonies de Chostakovitch. 

Composée dans des conditions sans précédent de surveillance et d’ingérence politiques, la Cinquième symphonie marqua un tournant décisif dans l’activité créatrice de Chostakovitch. Selon le musicologue David Fanning, le compositeur « avait besoin d’une formule pour trouver un équilibre entre sa conscience artistique et les exigences imposées d’en haut, lesquelles pouvaient être aussi imprévisibles qu’impératives ». La forme abstraite de la symphonie était la voie à suivre, car Chostakovitch pouvait ainsi, selon Fanning, « continuer à modérer son style en lui conférant un sens lyrique et héroïque “acceptable”, tout en développant un jeu de significations contextuelles et intertextuelles susceptibles de modifier, voire de contredire, l’impression de surface ». Comme première application de ce principe de composition, la Cinquième connut un grand succès, notamment, comme le faisait remarquer Pauline Fairclough, spécialiste de Chostakovitch, grâce à ceux qui « savaient comment encadrer et interpréter [la Cinquième] de manière telle que son acclamation puisse être idéologiquement justifiée » auprès des autorités. Dans les mois qui suivirent la création, après la réaction de la presse, on en vint à donner à la Cinquième le sous-titre de « Réponse créative d’un artiste soviétique à de justes critiques », lequel sous-titre n’était pas de Chostakovitch. 

Pour sa Cinquième symphonie, Chostakovitch a adopté le modèle éprouvé qui consiste à faire d’une symphonie le reflet d’un parcours psychologique qui va de la lutte au triomphe. Beethoven avait établi ce modèle dans sa Cinquième et de nombreux compositeurs l’ont utilisé par la suite. À un correspondant de la Literatournaïa Gazeta qui préparait un article devant paraître le 12 janvier 1938, Chostakovitch déclarait vouloir « montrer dans la [cinquième] symphonie comment, à travers une suite de conflits tragiques et de grandes luttes intérieures, “un regard optimiste sur le monde” pouvait triompher ». Certes conscient de l’attrait universel de ce concept, il n’a fait allusion à ce que cela signifiait pour lui que dans les notes de la partition : le quatrième mouvement comprend des citations musicales de sa mise en musique, de 1936, du poème Renaissance, de Pouchkine, qui décrit la survie de l’art véritable face à un « artiste-barbouilleur » qui « noircit la toile d’un génie ». 

Sous cet angle, la musique de la Cinquième traverse un vaste espace émotionnel grâce à une maîtrise inventive de la technique d’orchestration et du processus symphonique. L’influence de Gustav Mahler est évidente (Chostakovitch avait étudié ses symphonies à l’époque de la composition de la Cinquième), bien que l’on perçoive une touche bien personnelle. C’est ce que l’on retrouve tout au long de l’œuvre, dans l’évocation de paysages sombres et désolés, de marches sinistres, de Ländlers ironiques, de climax massifs brutalement contrariés et de moments de fragilité, tendres, pleins d’espoir et de consolation. De la grandeur tragique de son premier mouvement, en passant par l’humour noir du deuxième, le cœur angoissé du troisième et son final flamboyant, la Cinquième symphonie de Chostakovitch est une expérience musicale intensément cathartique. 

Pourtant, vous auriez raison de remarquer plus qu’un soupçon d’ambivalence dans la coda « triomphante » du finale. (Les critiques attentifs, lors de la création de l’œuvre, l’ont également perçu.) Après tout, il ne s’agit pas de l’expression d’une joie débridée. Après un ralentissement massif et une déchirante mutation en majeur, le mouvement se poursuit dans un rythme obstinément régulier. Sur des fanfares de cuivres soutenues et des coups de timbales retentissants, les cordes et les bois jouent inlassablement les mêmes tons, fortississimo (extrêmement fort), pendant plus d’une minute, jusqu’à l’accord final. Au fil des ans et aux vues d’interprétations concurrentes (à la fois verbales et musicales), le « sens » de cette conclusion s’est avéré particulièrement hasardeux et controversé. Certains ont douté de la sincérité du triomphe, mais cela aussi est trop réducteur. De plus, comme Fairclough l’a précisément observé, si l’on avait perçu le triomphe comme forcé ou faux, il n’aurait pas été logique que le public soviétique réagisse aussi ouvertement et fortement à cette symphonie et que les orchestres philharmoniques de Leningrad et de Moscou la jouent aussi souvent (au moins 21 fois de 1937 à 1941) et défendent ainsi, au péril de leur vie, l’œuvre d’un compositeur à la réputation chancelante. Ainsi, le pouvoir remarquable de la conclusion de la Cinquième de Chostakovitch réside peut-être dans sa polyvalence : elle évoque notre capacité à ressentir des émotions contradictoires et nous permet, individuellement et collectivement, de les accueillir dans la complexité de nos propres expériences. 

Notes de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Chef d'orchestra Otto Tausk
  • Piano Stewart Goodyear
  • Avec Orchestre symphonique de Vancouver

Alliance internationale des employés de scène et de théâtre