Hilary Hahn joue Brahms

avec l'Orchestre du CNA

2024-11-20 20:00 2024-11-21 23:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Hilary Hahn joue Brahms

https://nac-cna.ca/fr/event/36127

Événement en personne

La très renommée violoniste Hilary Hahn, lauréate de trois prix Grammy, nous revient pour une soirée toute spéciale qui met en valeur la nature intemporelle de la musique classique et les arrangements novateurs des compositions modernes.  Le concert rend hommage au legs de la pionnière Kaija Saariaho, une compositrice finlandaise, par une interprétation de sa pièce Ciel d’hiver.  Pour composer la Symphonie...

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Salle Southam ,1 rue Elgin,Ottawa,Canada
20 - 21 nov 2024
20 - 21 nov 2024

≈ 2 heures · Avec entracte

Répertoire

KAIJA SAARIAHO

Ciel d'hiver

JOHANNES BRAHMS

Concerto pour violon en ré majeur, op. 77

I. Allegro non troppo
​II. Adagio 
III. Allegro giocoso, ma non troppo vivace 

La plupart des concertos pour violon du XIXe siècle que nous entendons dans les salles de concert de nos jours ont été écrits pour les plus remarquables virtuoses de l’époque (dans certains cas, la composition et l’interprétation étaient le fait d’une seule et même personne). Cependant, bien peu ont collaboré aussi étroitement que Johannes Brahms (1833-1897) et le grand violoniste hongrois Joseph Joachim (1831-1907) pour créer une œuvre sur laquelle l’interprète a laissé une empreinte aussi indélébile. À ce titre, le Concerto pour violon de Brahms reste un exemple unique du genre en son temps, brouillant les frontières entre composition et interprétation, soliste et orchestre, concerto et symphonie.

En août 1878, alors qu’ils sont déjà amis depuis vingt-cinq ans, Brahms surprend Joachim en lui présentant le premier mouvement d’un concerto pour violon auquel il travaillait en secret, lui demandant de réagir à tout ce que le violoniste trouvera « difficile, maladroit, impossible ». Ravi, Joachim répondra : « La plus grande partie est jouable, une grande partie est tout à fait originale sur le plan violonistique; mais je ne peux pas confirmer si [l’œuvre] sera agréable à jouer dans une salle surchauffée, à moins de la jouer en entier. » 

Au cours des mois suivants, ils travaillent ensemble sur le concerto, en personne et par correspondance, jusqu’à sa création, le jour de l’An, au Gewandhaus de Leipzig, avec Joachim au violon et Brahms sur le podium. Cette première tentative se révèlera décevante : n’ayant reçu la partie de violon complète que quatre jours auparavant, Joachim n’était pas suffisamment préparé et Brahms était nerveux, tandis que le public s’est montré froidement poli et les critiques ont été mitigées. Deux semaines plus tard, à Vienne, Joachim a joué de nouveau le concerto (cette fois sous la direction de Joseph Hellmesberger) et a obtenu de bien meilleurs résultats, même si les critiques sont restées réservées. Tirant les leçons de ces interprétations, Brahms et Joachim ont continué à peaufiner ensemble la partition, ajustant les questions d’équilibre (par exemple en amincissant l’orchestration par endroits) et affinant les détails violonistiques, alors même que Joachim l’interprétait régulièrement. En août, après une dernière consultation en personne (au cours de laquelle ils l’ont joué intégralement pour Clara Schumann), ils se sont mis d’accord sur la version finale du concerto, qui a été publiée en octobre. 

Comme l’ont révélé plusieurs spécialistes, Brahms n’a pas seulement écrit son Concerto pour violon pour Joachim, il l’a écrit avec lui. Il a consulté Joachim non seulement pour s’assurer que son écriture violonistique était de façon idiomatique naturelle, mais aussi pour créer une partie soliste qui incarne au mieux le style d’interprétation pour lequel le grand violoniste était vénéré. Au-delà de ses compétences techniques exceptionnelles, Joachim était célébré pour son attitude intransigeante à l’égard de la qualité musicale et de la fidélité à la partition originale. De plus, comme l’a découvert la musicologue Karen Leistra-Jones, il était particulièrement admiré pour son « étrange capacité à présenter des œuvres musicales composées comme si elles étaient improvisées, créées sur place par une mystérieuse fusion entre Joachim lui-même et l’esprit d’où l’œuvre avait émergé ». Comme on pourra l’entendre, c’est cette qualité de spontanéité improvisée dans le jeu de Joachim que Brahms, en travaillant avec lui, a captée dans la partie de violon. Par ailleurs, l’orchestre n’est pas une simple toile de fond, mais il est façonné par des procédés symphoniques rigoureux, dans lesquels le solo de violon intervient et s’entrelace avec la trame musicale.

La tension entre ces deux univers expressifs est particulièrement palpable dans le substantiel premier mouvement du concerto. L’orchestre commence par l’introduction de plusieurs motifs importants : 1) une ligne arpégée descendante puis ascendante de caractère paisible; 2) des octaves robustes et audacieuses; 3) des phrases doucement sinueuses; 4) des rythmes rapides et affirmés qui conduisent à l’entrée du violon solo. Tout au long du mouvement, chacun de ces éléments revient et subit des transformations, tandis que le violon, de façon générale, rumine et ornemente ce matériau de manière libre et expansive. Dans la partie lyrique du second thème, le violon interjette un nouveau thème expressif qui ne figurait pas dans l’exposition orchestrale. Le conflit entre les deux mondes s’intensifie dans la section du développement, mais culmine finalement dans un retour exubérant du thème d’ouverture pour la réexposition. Au point traditionnel de la cadence, Brahms a demandé à Joachim de créer la sienne, et ce dernier, fait à signaler, l’a écrite au lieu d’en improviser une (aujourd’hui, sa cadence est encore la plus souvent jouée). Solide composition en soi, la cadence reprend tous les thèmes et motifs principaux du mouvement. À la fin, le violon réexpose tranquillement le thème d’ouverture, que la clarinette et le hautbois reprennent ensuite, tandis que le violon poursuit avec une sublime expansion qui l’amène à s’élever toujours plus haut. (Nous devons ce moment exquis au fait que Brahms a suivi le conseil de Joachim, qui lui suggérait de rendre sa conception originale du thème moins « inconfortable » pour le violon.) Peu à peu, le violon émerge de son idylle, fondant sa ligne dans des phrases d’improvisation fluides, après quoi l’énergie reprend le dessus et clôt le mouvement avec emphase. 

Le concerto est complété par deux mouvements plus courts de caractère contrasté. Prolongeant l’« idylle » de la fin de l’Allegro, l’Adagio s’ouvre sur une magnifique mélodie entonnée par le hautbois solo. Comme dans le premier mouvement, le violon reprend le thème et l’approfondit, explorant à fond ses possibilités lyriques et émotionnelles. Après une section médiane rhapsodique, la mélodie réapparaît au hautbois, enveloppée par le violon. Les deux instruments poursuivent un tendre dialogue jusqu’à la sereine conclusion du mouvement. Le finale est un affectueux hommage à Joachim. Dans le style hongrois (un mélange d’éléments musicaux hongrois et de la virtuosité fluide des interprètes roms), le violon se déchaîne pleinement dans ce rondo endiablé qui alterne des rythmes de danse rigoureux, des séries d’ornementations et des mélodies délicates et charmantes. 

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais) 

Nielsen

Symphonie no 2, « Les quatre tempéraments »

Sortelung (près de Nørre Lyndelse), île de Fionie, Danemark, 9 juin 1865
Copenhague, 3 octobre 1931

Tout comme le Finlandais Sibelius, le plus célèbre compositeur du Danemark, Carl Nielsen, compte parmi les plus importants symphonistes du début du XXe siècle. Nielsen avait un style qui n’appartenait qu’à lui, mais il a vécu à une époque si riche en personnalités flamboyantes – Debussy, Bartók, Mahler, Ravel, Satie, Schoenberg, Busoni, Strauss, Stravinsky, Varèse… – qu’il ne restait guère de place, sur la scène internationale, pour une musique relativement conservatrice écrite par un homme simple et tranquille de Copenhague.

Mais les temps changent, et la cote de Nielsen est nettement plus élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques décennies. Sa musique, notamment ses six symphonies et trois concertos (pour clarinette, flûte et violon), est maintenant jouée régulièrement et appréciée pour son approche rafraîchissante des formes anciennes, sa profonde humanité, son dynamisme et son charme irrésistible.

La condition humaine est au cœur de la Symphonie no 2. En 1901, alors qu’il était en visite dans un village de Zélande, il vit sur le mur d’une taverne une série de tableaux évoquant les quatre « tempéraments » de l’être humain. Sa première réaction fut d’en rire sarcastiquement avec ses amis. Mais plus tard, voici ce qu’il réalisa : « mes pensées y étaient ramenées constamment, et un beau jour, il m’est apparu clairement que ces humbles tableaux présentaient une valeur intrinsèque, voire une possibilité musicale. » Ces réflexions donnèrent naissance à une symphonie en quatre mouvements, que Nielsen acheva en 1902. La création, sous la baguette du compositeur lui-même, eut lieu à Copenhague le 1er décembre de la même année.

Les quatre humeurs (ou « tempéraments ») ont occupé médecins, philosophes et psychologues depuis l’Antiquité. Essentiellement, selon la théorie des humeurs, quatre fluides fondamentaux du corps humain contribuent à former la personnalité de chacun : le sang; le phlegme (produit par la gorge); la bile noire (sang coagulé émanant de la rate); et la bile jaune (bile sécrétée par le foie). Le premier était associé à l’enthousiasme et l’excitabilité; le deuxième, à l’apathie et l’indolence; le troisième, à la mélancolie; et le quatrième, à la colère et l’irritabilité.

Le premier mouvement de la symphonie, de forme sonate, fuse avec toute la vigueur et le dynamisme qu’on peut attendre d’un tempérament « colérique », bien qu’on trouve aussi, plus tard, des moments d’apaisement et de retenue (notamment le lumineux et attachant second sujet, exposé par les bois). « L’homme impétueux, souligne Nielsen, peut avoir ses moments d’apaisement, le mélancolique, ses élans d’impétuosité ou de joie, et l’homme affable et enjoué peut devenir quelque peu contemplatif, voire plutôt sérieux – mais seulement pour un petit moment. »

Bien que l’idée de la musique à programme ait déplu au compositeur, il a fait une exception pour le deuxième mouvement de cette symphonie. « J’ai imaginé un jeune homme de fort aimable disposition […]. Comment le morigéner, puisque tout ce qui est idyllique et paradisiaque dans la nature se retrouve en lui. Il aime se détendre au soleil tandis que les oiseaux chantent et que les poissons glissent dans l’eau en silence. Je ne l’ai jamais vu danser; il n’est pas assez actif pour ça, mais il pourrait bien avoir envie de se laisser bercer par un rythme de valse doux et lent, aussi ai-je ici utilisé [un tel rythme]. » Tranchant avec les changements d’humeur qui se manifestent dans les autres mouvements, Nielsen affirme ici : « l’homme paresseux, indolent […] n’émerge de son apathie qu’avec la plus grande difficulté; ce mouvement est donc à la fois très court (il ne veut pas être dérangé) et constant dans sa progression. »

Le mouvement qui porte l’indication Andante malincolico (le compositeur a mal orthographié l’italien « malinconico ») est en effet oppressant, austère et chargé de la sombre tonalité de mi bémol mineur (six demi-tons). Pour Nielsen, ce qui s’exprime ici est « un puissant cri de souffrance » (cordes), un motif s’apparentant à « une plainte, un soupir (hautbois) qui se développe lentement, s’achevant au paroxysme du chagrin et de la douleur. Après une courte transition survient un épisode apaisé et résigné, en mi bémol majeur. »

Dans le finale sanguin, Nielsen a voulu évoquer « un homme qui avance impétueusement et croit que le monde entier lui appartient […] La marche finale, si joyeuse et légère soit-elle, n’en affiche pas moins une plus grande dignité, et bien moins de futilité et de contentement de soi que dans les parties antérieures de son développement. »

– Traduit d’après Robert Markow

Artistes

  • Violon Hilary Hahn
  • Chef d'orchestre John Storgårds
  • Avec Orchestre du CNA

Alliance internationale des employés de scène et de théâtre