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À l’exception de la Cinquième symphonie, la Septième est probablement la plus jouée des neuf symphonies de Beethoven. De son côté, la Neuvième symphonie, probablement la plus prisée de nos jours, (il n’en fut pas toujours ainsi), exige des effectifs beaucoup plus étendus que la Septième, dépassant largement les moyens dont disposent la plupart des orchestres amateurs et semi-professionnels. La Septième, au contraire, ne requiert qu’un orchestre de taille modeste (des paires de bois, des cors, des trompettes et timbales, en plus des cordes), mais l’effet purement viscéral qu’elle exerce sur l’auditoire en fait un succès assuré, même quand elle est jouée par un ensemble débutant. « Le son lui-même produit un contact personnel réel et tangible entre l’orchestre et les spectateurs : en langage sportif, on dirait qu’il vous plaque au sol de telle sorte que vous avez besoin d’un certain temps, ensuite, pour reprendre vos esprits », écrit Klaus G. Roy, ancien annotateur des programmes du Cleveland Orchestra.
Quand la Septième symphonie de Beethoven a été jouée pour la première fois au vaste amphithéâtre de l’Université de Vienne, le 8 décembre 1813, elle fut aussitôt saluée par la critique comme un accomplissement exceptionnel, jugement qui n’a toujours pas été démenti aujourd’hui. À ce propos, Anton Schindler, premier biographe de Beethoven, écrivit : « Toutes les personnes présentes ce soir-là, quelles que soient les réserves qu’elles aient pu émettre précédemment sur la musique de Beethoven, s’accordèrent alors pour lui décerner des lauriers ».
Cette première mondiale de la Septième symphonie avait pour origine un concert-bénéfice au profit des soldats autrichiens et bavarois blessés à la bataille de Hanau, qui avait eu lieu à peine quelques semaines plus tôt. C’est à cette même occasion que fut créée la tonitruante Victoire de Wellington, aussi nommée La bataille de Vitoria, une pièce de circonstance ayant obtenu un vif succès à l’époque de sa composition, mais qui fait un peu tache, aujourd’hui, dans l’œuvre de Beethoven. Salieri, Spohr, Moscheles, Hummel, Meyerbeer, Romberg et Dragonetti, bref, les plus grands de la musique européenne du temps, faisaient partie de l’orchestre ce soir-là, donnant ainsi un caractère festif au concert. Beethoven lui-même était au pupitre. Même Johann Nepomuk Mälzel, inventeur du métronome et du panharmonicon – instrument mécanique pour lequel la Victoire de Wellington fut composée à l’origine, œuvre que Beethoven réécrivit pour orchestre par la suite –, était là.
L’enthousiasme que suscite cette symphonie depuis plus de deux siècles et les innombrables éloges dont elle a fait l’objet témoignent de manière éloquente de la place qu’elle occupe dans le cœur des mélomanes. Pour Ernest Newman, l’œuvre entraîne « une divine ivresse spirituelle ». Alexander Oulibicheff y entend « une mascarade réunissant une foule ivre de joie ». Wagner, qui n’était pas homme à garder ses opinions pour lui, y alla de ce commentaire : « Toute la fougue, toutes les aspirations, toute la rage du cœur humain s’entremêlent en une exubérance victorieuse, en une liesse qui nous transporte avec une puissance quasi bachique à travers les grands espaces de la nature, à travers tous les courants et les mers de l’existence; nous clamons alors toute notre félicité en faisant retentir dans l’univers les élans hardis de cette danse qu’est la vie. Cette symphonie est l’apothéose de la danse elle-même : elle est la danse dans son essence supérieure, l’action bienheureuse des mouvements qui se coulent dans un moule musical idéal. »
Un autre annotateur du Cleveland Orchestra, Peter Laki, écrit plutôt : « Tout musicien de rock sait à quel point la répétition constante de motifs rythmiques simples peut être enivrante. C’est un peu ce que fait Beethoven ici, mais il accomplit bien davantage : sur un fond de rythmes de danse constamment répétés, il crée une infinie variété d’épisodes mélodiques et harmoniques. On ressent fortement la cohésion à mesure que les mélodies s’enchaînent les unes aux autres, avec une inimitable spontanéité. En même temps, les harmonies, les mélodies, les nuances et l’orchestration sont remplies des surprises les plus charmantes. C’est un peu comme se trouver à bord d’une voiture roulant à grande vitesse et regarder défiler un magnifique paysage qui se transforme sans cesse sous nos yeux. »
Le rythme constitue sans aucun doute la force motrice de la Septième symphonie. Un motif rythmique unique parcourt chaque mouvement (deux dans le troisième), propulsant constamment, irrésistiblement, la musique vers l’avant, avec une énergie sans cesse renouvelée. La plupart des auditeurs retiennent des impressions très différentes de chaque mouvement : l’exubérance se dégage du premier, tandis que le second a un effet légèrement hypnotique en contraste avec la turbulence athlétique du troisième et avec la bacchanale plus grande que nature du quatrième. Beethoven lui-même a écrit, à propos du finale : « Je suis comme Bacchus, je produis un vin glorieux pour l'humanité; quiconque comprend réellement ma musique sera libéré de toutes les difficultés qui l’oppressent. »
L’introduction du premier mouvement, qui dure une douzaine de minutes, en occupe le tiers à elle seule et constitue pratiquement un mouvement à part entière; c’est le plus long passage de ce genre que Beethoven ou tout autre compositeur ait écrit jusque-là pour une symphonie. En plus d’avoir deux thèmes qui lui sont propres, l’introduction définit les paramètres harmoniques qui réapparaîtront dans toute la symphonie. La transition vers la section principale Vivace du mouvement est à peine moins remarquable et inventive que l’introduction, puisqu’elle ne comprend pas moins de 68 répétitions de la même note (mi) sur des rythmes variés; de ces répétitions émerge un motif qui s’impose alors à tout le mouvement Vivace. La musique s’engage dans ce qui s’approche d’une sonate d’une énergie débordante, marquée par des changements harmoniques audacieux, par l’alternance inattendue de passages tour à tour forts et feutrés, et par la répétition obsessionnelle d’un entêtant motif rythmique souvent décrit comme dactyle. En poésie, un dactyle est un pied – c’est-à-dire un module rythmique – formé d’une syllabe longue suivie de deux syllabes brèves (ou « atones »), mais les « dactyles » de Beethoven en proposent une variante, formée d’un rapport rythmique de 3-1-2 (une longue, une brève « brève » et une brève « longue »). Une fois la principale section Vivace du mouvement lancée, presque chaque mesure contient ce motif rythmique.
Si le deuxième mouvement (Allegretto) n’est pas vraiment « lent », il est cependant plus contenu et apaisant que le premier mouvement quelque peu frénétique. Là encore, le mouvement repose sur une trame rythmique sous-jacente (on trouve ici le dactyle parfait). Le « thème » principal en la mineur, quasiment non mélodique, est repris constamment dans des couleurs orchestrales différentes. Il y a également un épisode lyrique en la majeur d’une beauté exceptionnelle (confié aux bois) et un fugato impétueux qui s’inspire du thème principal.
À la création, l’auditoire aima tellement ce mouvement qu’il le bissa sur-le-champ.
Le troisième mouvement est un double scherzo et trio (scherzo-trio-scherzo-trio-scherzo). Certains pensent que la section en trio, plus lente, avec ses crescendos qui rappellent la musique d’accordéon et l’étrange grondement produit par le deuxième cor, s’inspire d’un vieil hymne de pèlerin autrichien. Avec l’humour qui le caractérise, Beethoven esquisse une troisième reprise du trio (« Quoi, encore? » est la réaction attendue de l’auditeur), qu’il interrompt tout à coup par cinq brusques accords de l’orchestre complet (« On en a assez! »).
Le mouvement final éclipse les précédents par son envoûtant déploiement de puissance sonore, happant immédiatement les auditeurs dans son orbite et les y retenant captifs jusqu’au moment où la symphonie prend brusquement fin, sept ou huit minutes plus tard.
Mario Bernardi dirigeait l’Orchestre du CNA lors de la première prestation livrée par l’ensemble de la Symphonie no 7 de Beethoven, en 1970. L’Orchestre a joué l’œuvre de nouveau en 2014 dans le cadre d’une tournée au Royaume-Uni, sous la direction de Pinchas Zukerman, et en 2018, à la Salle Southam, cette fois avec Xian Zhang au podium.
Traduit d’après Robert Markow
Joana Carneiro est une cheffe d’orchestre portugaise de renom. Elle est également la principale cheffe d’orchestre invitée du Real Filharmonía de Galicia et la directrice artistique du Estágio Gulbenkian para Orquestra depuis 2013. De 2014 à 2022, Joana Carneiro a été la première cheffe d’orchestre de l’Orquestra Sínfonica Portuguesa du Teatro de São Carlos à Lisbonne et de 2009 à 2018, elle a été directrice musicale de l’Orchestre symphonique de Berkeley.
Dans les salles de concert comme d’opéra, la musique contemporaine occupe une place importante dans le travail de Joana Carneiro et fait d’elle une artiste très sollicitée à travers le monde. Parmi ses engagements récents, mentionnons des prestations avec de grands orchestres internationaux, dont l’Orchestre symphonique de la BBC à Londres, l’Orchestre de chambre d’Écosse, l’Orchestre symphonique national (Irlande), l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm et l’Orchestre de La Fenice en Europe. Outre-mer, elle s’est produite avec l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, l’Orchestre de Beijing et l’Orchestre national de São Paulo.
Parmi les faits saillants de sa saison 2023-2024, mentionnons des débuts avec l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine (France), le Musikkollegium Winterthur (Suisse), l’Orchestre national de la BBC au pays de Galles et l’Orchestre philharmonique de Brême (Allemagne). La cheffe d’orchestre renoue également avec l’Orchestre Gulbenkian à Lisbonne et l’Orchestre du Centre national des Arts à Ottawa.
Originaire de Lisbonne, Joana Carneiro prend ses premières leçons de musique en violon, avant de suivre des études en direction d’orchestre à l’Academia Nacional Superior de Orquestra dans la même ville, où elle a étudié auprès de Jean-Marc Burfin. Elle s’envole ensuite aux États-Unis pour se former en direction orchestrale auprès de Victor Yampolsky et de Mallory Thompson à l’Université Northwestern. Après sa maîtrise, elle entame un doctorat à l’Université du Michigan sous la houlette de Kenneth Kiesler.
En 2010, elle reçoit le prix Helen M. Thompson, remis par la League of American Orchestras qui honore les directrices musicales et directeurs musicaux extrêmement prometteurs. En 2004, le président de la République portugaise, M. Jorge Sampaio, lui remet l’insigne de Commandeur de l’ordre de l’Infant Dom Henrique.
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre