≈ 2 heures · Avec entracte
Bonn, le 16 décembre 1770
Vienne, le 26 mars 1827
L’unique apport de Beethoven au répertoire des concertos pour violon s’est révélé un monument. Non seulement son concerto est-il plus long et plus complexe que toutes les œuvres antérieures de ce genre, mais en plus, par sa pensée et son ampleur symphoniques, il éclipse tous ses prédécesseurs. Ce concerto de Beethoven continue d’être considéré comme le roi des concertos, quel que soit l’instrument soliste, et le seul à rivaliser avec lui au panthéon des concertos pour violon est celui de Brahms (lui aussi en ré majeur).
Beethoven a composé son concerto à la fin de l’année 1806, à l’époque où il écrivait ou achevait d’autres chefs-d’œuvre, comme la Symphonie no 4, le Concerto pour piano no 4, les trois quatuors « Razoumovsky », la première révision de Fidelio et les 32 Variations pour piano en do mineur. Comme cela était courant à l’époque, Beethoven avait en tête un soliste précis, le virtuose Franz Clement (1780–1842), lorsqu’il a composé ce concerto. Selon tous les témoignages, Clement était l’un des musiciens les plus doués de Vienne, possédant une mémoire musicale comparable à celle de Mozart. Il avait commencé sa brillante carrière alors qu’il était encore tout jeune, se produisant à l’Opéra impérial de Vienne et sous la direction de Haydn à Londres. Devenu adulte, il fut premier violon solo et chef d’orchestre à l’Opéra de Vienne. Beethoven avait écrit cette œuvre à la demande de Clement, qui avait l’intention de l’interpréter au concert-bénéfice qu’il donnait le 23 décembre 1806 au Theater an der Wien. Le lyrisme profond de ce concerto, la délicatesse de ses phrases et sa poésie reflètent les qualités d’instrumentiste de Clement, qui, selon les commentaires de ses contemporains, se caractérisaient par une intonation parfaite, un contrôle souple de l’archet, une expression gracieuse et tendre, et une délicatesse, une précision et une élégance indescriptibles.
Le concerto démarre sur cinq battements doux des timbales. Ces notes égales et répétées deviennent l’un des grands motifs unificateurs du mouvement, repris dans de nombreux contextes et atmosphères. La tension intérieure de ce mouvement est renforcée par le contraste entre ces cinq battements et le gracieux lyrisme des mélodies. Il est à noter que les deux thèmes principaux sont introduits chaque fois par un groupe de bois et sont tous deux constitués exclusivement de motifs de la gamme de ré majeur, dans un esprit lyrique et tranquille d’une beauté sublime.
Le Larghetto, passage semblable à un hymne, est l’un des mouvements lents les plus admirables de Beethoven. À proprement parler, il ne se passe pas grand-chose dans ce mouvement, qui offre une atmosphère de paix profonde, de contemplation et d’introspection tandis que les trois thèmes, tous en sol majeur, s’entrelacent dans une série de variations de forme libre.
Une brève cadence mène directement à l’exubérant finale – un rondo caractérisé par un thème principal récurrent et mémorable, de nombreux embellissements dans la partition du cor évoquant la chasse, et d’innombrables touches d’humour.
Traduit d’après Robert Markow
ANTONÍN DVOŘÁK
Mühlhausen, Bohème (aujourd’hui Nelahozeves, République tchèque), 8 septembre 1841
Prague, 1er mai 1904
Génération après génération, les mélomanes sont séduits par l’esprit chaleureux et insouciant de la Symphonie no 8 de Dvořák. Son caractère essentiellement joyeux, son atmosphère idyllique, son évocation de la nature et de la vie simple à la campagne rappellent d’autres symphonies à caractère pastoral : la Symphonie no 6 de Beethoven, la Symphonie no 1 « Le printemps » de Schumann, la Symphonie no 5 de Schubert, la Symphonie no 4 de Mahler et la Symphonie no 2 de Brahms.
Dvořák a commencé à travailler à sa huitième symphonie au mois d’août 1889. Il était d’excellente humeur et plein de confiance en son talent créateur. Il se plaignit même à un ami d’avoir la tête pleine d’idées (« Les mélodies coulent en abondance »), regrettant qu’il lui faille tant de temps pour les noter. C’est la raison pour laquelle il ne lui fallut que 12 jours pour esquisser le premier mouvement, une semaine pour le deuxième, quatre jours pour le troisième et six jours pour le finale. L’orchestration elle-même exigea six semaines supplémentaires de travail. Trois mois après avoir commencé, Dvořák était prêt à remettre la partition à l’éditeur, qui, fait exceptionnel, n’était pas cette fois Simrock, mais la firme anglaise Novello. Dvořák a dirigé la première exécution de sa symphonie le 2 janvier 1890, à Prague.
Il fut longtemps d’usage de surnommer Symphonie « anglaise » cette œuvre de Dvořák, mais le compositeur lui-même a dédié la partition « à l’Académie de Bohème de l’empereur François-Joseph pour son soutien aux arts et à la littérature, en guise de remerciement pour [son] élection ». La symphonie témoigne effectivement du regain d’intérêt du compositeur pour le nationalisme tchèque, et à la lumière de sa dédicace, le titre de « Bohémienne » lui conviendrait mieux. Dvořák l’a composée à sa résidence d’été de Vysoká, où la beauté naturelle et le charme rustique de sa campagne natale ont imprégné l’esprit même de la symphonie.
Les conditions dans lesquelles cette œuvre a été écrite sont très proches de celles qui ont vu naître la Symphonie no 2 de Brahms. Dans les deux cas, on a affaire à une symphonie chaleureusement lyrique, à l’ambiance sereine, qui succède à une autre beaucoup plus austère, sombre et tourmentée. Qui plus est, les deux compositions ont été écrites dans un cadre bucolique idéal, auquel les deux compositeurs attribuaient le mérite d’avoir stimulé, plus qu’à l’habitude, leur créativité. Un autre parallèle avec Brahms peut être établi : les deux compositeurs furent invités à recevoir un doctorat honorifique de l’Université de Cambridge, Brahms en 1876, et Dvořák, en 1891. Brahms refusa; il avait le cérémonial académique en horreur et n’avait aucune envie de se rendre en Angleterre (la présence de la personne honorée était obligatoire pour que le diplôme lui soit décerné). Dvořák, lui, accepta, et offrit à titre « d’exercice » cette Symphonie en sol majeur qu’il venait d’achever.
À son sixième voyage en Angleterre, Dvořák assista donc à la pompeuse cérémonie, mais ne garda pas un souvenir ébloui de l’événement, qu’il évoqua en ces termes : « Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti quand ils m’ont nommé docteur en Angleterre. L’événement était strictement cérémoniel, et il n’y avait là que des docteurs. Tous les visages étaient graves, et il m’a semblé que personne ne connaissait d’autre langue que le latin. Je tournais la tête dans tous les sens, ne sachant qui j’étais censé écouter. Et quand j’ai pris conscience qu’ils s’adressaient à moi, j’ai été passablement décontenancé, et j’ai eu honte d’ignorer le latin. Mais en y repensant aujourd’hui, je me dis qu’après tout, avoir composé le Stabat Mater est certainement aussi valable que maîtriser le latin. » Tout comme Brahms, Dvořák se sentait beaucoup plus à l’aise dans sa campagne natale qu’entre les murs d’une université. Dans le cadre de la cérémonie, Dvořák dirigea l’Orchestre philharmonique de Londres dans sa symphonie et son Stabat Mater.
Le premier mouvement de la symphonie est une énigme pour les musicologues : quel est le rôle du thème nostalgique d’ouverture dans cette œuvre? Est-ce le « premier » thème ou une introduction? Peut-on considérer alors que le thème « principal » est la simple mélodie, semblable à un chant d’oiseau, qu’interprète plus tard la flûte? Dans ce cas, comment qualifier le thème chaleureux et noble proposé par le violoncelle après le rantanplan des timbales et l’idée suivante, caractérisée par des sauts d’octaves ascendants chez les violoncelles? Peu importe. L’essentiel est que Dvořák ait inclus une grande variété de mélodies dans ce mouvement. Un auteur de notes de programme (Richard Freed) y voit « une atmosphère de contes de fées et de légendes sylvestres [...] des chants d’oiseaux, des sonorités forestières et des mélodies qui sonnent comme des marches slaves ».
Le deuxième mouvement, comme le premier, s’amorce par un thème nostalgique et plutôt solennel. Une deuxième idée en do majeur propose un nouveau thème énoncé par la flûte et le hautbois, tandis que les violons se livrent à des gammes descendantes. L’éclat furieux des cors mène à un passage bref et plein d’angoisse, mais le soleil, la chaleur et le charme seront bientôt de retour.
Le troisième mouvement est une valse élégante encadrant une section centrale en trio annoncée par un nouveau thème à la flûte et au hautbois. Dvořák a emprunté ce thème à son opéra Les Amants obstinés. La valse revient et le mouvement s’achève sur une coda brève et énergique.
Le finale débute par une fanfare de trompettes suivie d’un thème charmant et insouciant interprété par les violoncelles. Malgré son air simple et naturel, ce thème a été source de difficulté pour Dvořák. Il en a composé dix versions différentes avant d’en être satisfait (le thème de L’Hymne à la joie a connu un sort semblable chez Beethoven). À partir de ce thème, Dvořák imagine une série de variations comprenant notamment un passage exubérant mettant à contribution l’orchestre tout entier, tandis que les cors émettent des trilles et que les cordes jouent sur un rythme rapide. Une section centrale en do mineur présente une nouvelle idée sur un rythme de marche. Puis, la musique se calme et l’on retrouve l’atmosphère paisible du thème principal que le compositeur soumet à d’autres variations. Une coda exaltante mène la symphonie à une conclusion brillante.
Traduit d’après Robert Markow
La violoniste Clara-Jumi Kang est une artiste dotée d’une musicalité exceptionnelle, d’un raffinement et d’une élégance sans failles, comme en témoignent les nombreux prix et récompenses qu’elle a reçus depuis qu’elle a remporté le premier prix au concours international de violon d’Indianapolis en 2010, au concours de violon de Sendai également en 2010 et au concours de violon de Séoul en 2009. Son cycle de sonates pour violon de Beethoven avec le pianiste Sunwook Kim, paru sous l’étiquette Accentus la saison dernière, a récolté d’excellentes critiques et des nominations.
Parmi les temps forts de la saison 2023–2024 figurent un récital solo au Festival d’Édimbourg, ainsi que des débuts avec l’Orchestre philharmonique d’Israël au Festival de la Côte-Saint-André sous la direction musicale de Lahav Shani, maestro qu’elle a d’ailleurs retrouvé avec l’Orchestre du Festival de Budapest; elle s’est produite aussi pour la première fois avec l’Orchestre philharmonique de Los Angeles dans le cadre du Festival du Hollywood Bowl, et les orchestres symphoniques de Cincinnati et de Détroit. Elle a effectué également une tournée en Corée du Sud avec l’Orchestre philharmonique de Munich, sous la direction de Myung-whun Chung. En tant que récitaliste, Clara-Jumi Kang se produit régulièrement dans les salles les plus prestigieuses du monde. Cette saison, elle s’est produite pour la première fois au Wigmore Hall, puis de nouveau au Théâtre des Champs-Élysées pour deux concerts.
Clara-Jumi Kang a enregistré deux disques sous l’étiquette Decca : Modern Solo, comprenant des œuvres de Schubert et d’Ysaÿe, et un album Brahms/Schumann avec Yeol-Eum Son. Fervente chambriste, elle participe régulièrement à des festivals de musique de chambre et collabore avec des instrumentistes de renom comme Janine Jansen, Gidon Kremer et Mischa Maisky.
Née en Allemagne dans une famille de musiciens, Clara-Jumi Kang a commencé à jouer du violon à l’âge de trois ans et a obtenu quatre ans plus tard une bourse complète pour étudier à l’École Julliard auprès de Dorothy Delay. Elle a obtenu son baccalauréat et sa maîtrise à l’Université nationale des arts de Corée sous la direction de Nam-Yun Kim, avant d’achever ses études à la Musikhochschule de Munich sous la houlette de Christoph Poppen.
Clara-Jumi Kang joue sur un Stradivarius dit « Thunis » de 1702.
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre