La prodigieuse artiste inuk Laakkuluk Williamson Bathory fonde sa création sur la pratique de l’uaajeerneq, danse du masque groenlandaise que lui a transmise sa mère. Frondeuse et décoloniale, cette tradition joue avec l’exploration de la sexualité, le rire et l’effroi. Dans cette première mouture de Qaumma, coécrite avec son complice Vinnie Karetak, ces deux artistes d’Iqualuit abordent les déplacements forcés qui ont marqué la vie de leurs ancêtres et la mémoire collective.
Les spectateur·rice·s gravitent autour d’un iceberg, rappel de la beauté du Nunavut, où les êtres interagissent avec une nature généreuse et maternelle dans sa froideur. « Qaumma » signifie lumière en inuktitut et renvoie au feu qu’entretiennent les femmes inuites pour protéger leur famille. Dans leur théâtre sculptural, les artistes racontent comment les familles inuites trouvent la lumière à travers le délitement et sculptent, justement, leur espace, défiguré par des siècles de colonisation, à l’aide de leur langue, de leur ventre, de leur culture.
D’ascendance groenlandaise, Laakkuluk Williamson Bathory naît à Saskatoon et vit à Iqaluit depuis 2005. La nécessité de faire exister les récits fondateurs de sa culture sur les ravages du colonialisme est indissociable de sa pratique artistique qui se diversifie et se transforme continuellement depuis une trentaine d’années. Membre fondatrice et directrice artistique de Qaggiavuut jusqu’en 2021, un organisme qui promeut la conservation, le développement et la transmission des arts inuits, Williamson Bathory est également curatrice, sculptrice, actrice, metteuse en scène et poète. Dans l’installation Nannuppugut! (2021), qui lui a valu le prestigieux Prix Sobey pour les arts, elle expose la peau d’une ourse polaire qu’elle a abattue pour défendre sa famille et honore son âme en y projetant une vidéo où elle exécute une danse au tambour, en prise directe avec la matérialité et la vie spirituelle de la chair, humaine comme animale. Elle accorde une place centrale à la conversation, notamment avec les aînés dont les histoires sont l’objet d’amour et de révérence dans Kiviuq Returns (2017-2019).
Vinnie Karetak est une icône culturelle de l’Inuit Nunangat. Les Inuits, jeunes et moins jeunes, le connaissent bien pour son travail de journaliste et de comédien au théâtre et au cinéma. Son engagement dans les arts est multiple : on l’a vu à la chaîne APTN dans des émissions très appréciées du public comme Qanurli. Il a également réalisé quelques courts métrages et défendu avec ardeur l’existence d’un centre des arts de la scène inuit au Nunavut. Passionné par l’inuktitut et sa place en tant que langue de travail au Nunavut, il s’intéresse aux processus de communication qui défient la colonisation, aux liens familiaux inuits et aux Inuits qui créent pour les Inuits. Avec Laakkuluk Williamson Bathory, il crée en 2017 Kiviuq Returns, un spectacle en inuktitut qui fait le tour du Canada.
L’investissement de 95 000 $ du Fonds national de création soutient la dernière étape de développement de l’œuvre, en permettant à l’équipe de travailler en collaboration pour faire de Qaumma la pièce de théâtre avant-gardiste et sculpturale élaborée avec soin que les artistes ont en tête depuis des années. Au cours des mois précédents la première, l’équipe de création terminera la conception des décors, des éclairages et de la vidéo, notamment lors d’une résidence à Montréal et de répétitions à Iqaluit.
Une coproduction du Festival TransAmériques, en association avec le Fonds national de création du Centre national des Arts.
Développée avec le soutien du programme Conversations interculturelles de la Fondation Cole.
Présenté par le Festival TransAmériques | juin 3 - juin 6, 2023 | Studio Hydro-Québec, Monument-National (Montréal) |
Présenté par Alianait Arts Festival | juin 29 - jui 3, 2023 | Nakasuk School (Iqaluit) |