Publié le 2 mars 2018
Compositeurs : Ana Sokolović, Antonín Dvořák
Interprètes : Orchestre du Centre national des Arts du Canada, Alexander Shelley, David DQ Lee
Periodes : Contemporaine
Genres : Chant choral profane, Musique orchestrale
2019 – Gagnant du Prix JUNO Composition classique de l’année
Ana Sokolovic, Golden slumbers kiss your eyes …
2019 – Sélectionné pour le prix JUNO Album classique de l’année (Grand ensemble)
Les thèmes de la migration et du passage des frontières n’ont jamais été autant d’actualité. Cet enregistrement explore deux œuvres créées dans le soi-disant Nouveau Monde par des compositeurs provenant de l’Ancien Monde.
Ana Sokolović a quitté la Yougoslavie, déchirée par la guerre, pour faire sa vie à Montréal. Sa pièce Golden slumbers kiss your eyes…, inspirée de berceuses européennes, est interprétée par le contre-ténor canado-coréen David DQ Lee, accompagné de plusieurs chœurs d’Ottawa. Il s’agit d’une commande de l’Orchestre du CNA en hommage à Mario Bernardi, son chef fondateur.
Antonín Dvořák a composé sa fameuse symphonie lorsqu’il vivait en Amérique du Nord. La part de Nouveau Monde et d’Ancien Monde dans cette pièce fait d’ailleurs encore l’objet de discussions. Neil Armstrong a emporté un enregistrement de cette symphonie sur la lune, probablement en raison de la notoriété et du caractère touchant de cette musique, et parce qu’il considérait la lune comme le futur Nouveau Monde.
© Alexander Shelley
Si Dvořák a bien écrit la Symphonie « Du Nouveau Monde » alors qu’il habitait aux États-Unis, il ne s’agit cependant pas d’une œuvre qui porte sur le Nouveau Monde. Elle contient, bien entendu, des thèmes que l’on peut associer à des chants «authentiques» amérindiens ou afro-américains, mais comme ce fut le cas pour ses œuvres d’inspiration slave, Dvořák ne cite pas directement des œuvres populaires, composant plutôt ses propres mélodies après avoir étudié le matériau d’origine. Le poème épique The Song of Hiawatha de Longfellow, élément propre au Nouveau Monde, a cependant joué un rôle dans cette symphonie, puisque Dvořák avait lu le poème dans une traduction en tchèque une trentaine d’années auparavant. Dvořák avait bel et bien visité la patrie d’Hiawatha (l’État de l’Iowa et le sud du Minnesota), mais la Symphonie était alors déjà pratiquement terminée, si bien qu’on peut dire que l’influence, s’il en fut, d’Hiawatha sur le compositeur n’a pas été d’ordre géographique, mais purement littéraire. La section principale marquée Allegro est lancée par les cors avec un motif de fanfare en arpèges en mi mineur, motif qui réapparaîtra périodiquement dans tous les autres mouvements. Beaucoup d’amateurs de musique connaissent la chanson «Goin’ Home», mais Dvořák n’a pas emprunté la mélodie à un spiritual; elle est de sa propre plume. Le scherzo est l’un des mouvements les plus énergiques et les plus exubérants de toute la musique de Dvořák. Dans le finale, la section du développement ne se contente pas de développer le matériau du quatrième mouvement, mais également celui des trois mouvements précédents. L’accord final est charmant, une musique qui s’attarde avec douceur dans l’oreille du public du Nouveau Monde.
Traduit d’après Robert Markow
Cette pièce se présente comme un carnet de voyage à travers différents pays et différentes époques. Ces pays imaginaires que l’on visite probablement dans nos rêves ont été fortement influencés par le thème de l’enfance. L’œuvre comporte sept mouvements qui s’enchaînent sans pause. Les liens entre eux sont assurés par des bruits doux interprétés par les percussions – instants de calme en différentes langues et de caractères contrastés. J’ai utilisé huit textes en six langues: français, anglais, italien, serbe, allemand et ladino. Tous sont issus de la poésie folklorique : pour la plupart des berceuses, mais aussi une comptine, un chant d’amour et des chants païens évoquant ou touchant la nature. Avec une dose de nostalgie face à notre propre enfance ou au temps perdu, cette pièce rend hommage à un grand homme qui a marqué la vie musicale au Canada, le maestro Mario Bernardi. Un homme qui a contribué à bâtir ce merveilleux pays en apportant ses propres épices culturelles tirées de ses origines italiennes. Deux textes italiens sont utilisés ici : Mie mama mata mata, une comptine en dialecte vénitien évoquant ses années d’études musicales à Trévise et Venise (1938-1945) ; et la Tarantella del Gargano, dans le dialecte des Pouilles, région du sud de l’Italie. Les autres textes sont À la claire fontaine, chanson française bien connue des coureurs des bois et premier hymne national de la Nouvelle-France; les berceuses Golden Slumbers Kiss Your Eyes (en anglais), Guter Mond (Chère lune, en allemand), Durme, durme (Dors, dors, en ladino), ainsi que Lazarice et Dodole (en serbe), textes issus des chants folkloriques que l’on chante en cueillant des fleurs ou accompagnant la danse pour rendre la terre fertile.
Ana Sokolovic